vendredi 25 juin 2010

Intervention du député DanielPaul


ici

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, voila une réforme qui laissera un goût amer à plus d’un titre.

Ainsi, certains salariés des réseaux consulaires vont perdre leur emploi, car, malgré ce qui a pu être dit, cette réorganisation va conduire à des suppressions de postes, à l'instar de ce qui se passe au sein de la CCI de Paris, où cette réforme des réseaux consulaires est largement anticipée et où elle se traduit par la fermeture et l'externalisation de services, comme en font état des documents syndicaux et des communiqués de presse signés par la quasi-totalité, voire la totalité, des organisations syndicales. Vingt et une suppressions de postes ont déjà eu lieu cette année, et des licenciements sont en cours. D'autres salariés vont se retrouver mutés, parfois à plus d'une centaine de kilomètres de leur domicile.

Certains avaient éventuellement pu croire que cette réforme pouvait au moins avoir le mérite de mettre fin aux lacunes du dispositif de représentativité syndicale : ce ne sera pas le cas. Nous avons mis en évidence, en première lecture, l'archaïsme du système existant : en matière de représentativité, il n’y a eu aucune évolution depuis 1952 ou 1953. Lors de nos débats, le secrétaire d’État lui-même ignorait d’ailleurs, à vingt ans près, de quand datait la dernière évolution en question.

Monsieur Novelli, il y a quelques semaines, vous avez rencontré individuellement chaque organisation syndicale avant qu’une réunion de concertation ne soit organisée le 31 mai dernier rassemblant l'ensemble des acteurs.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. C’est exact.

M. Daniel Paul. Vous avez ainsi tenu une promesse faite nuitamment dans cet hémicycle.

Au cours de ces rencontres, vous avez interrogé les organisations syndicales sur leur position en matière de seuils et de modes de représentativité. J’ai le regret de dire qu’il ne s’agissait que d’une concertation de façade.

Les syndicats n'ont plus eu de nouvelles, jusqu'à ce que le Gouvernement dépose deux amendements proposant de jeter les bases d'une certaine représentativité, à défaut d'une représentativité certaine.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. C’est déjà mieux !

M. Daniel Paul. Mais, ainsi que l’a reconnu la rapporteure, il est difficile d'en savoir plus, puisque ces amendements, bien qu’ils permettent de définir des seuils de représentativité, renvoient à des modalités définies par voie réglementaire. Nous y reviendrons.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. J’y compte bien !

M. Daniel Paul. Il semble cependant que les préconisations de l'ACFCI soient privilégiées. Vous venez d’ailleurs de dire que tous ces éléments avaient fait l’objet de négociations, et qu’il ne fallait pas trop y toucher. Il s’agit sans doute de faire entériner par l’Assemblée ce qui a été préalablement négocié. Nous nous dirigeons donc vers une représentativité nationale définie à partir de la consolidation des résultats locaux. Or cette méthode n'est pas satisfaisante.

Certes, vous faites un pas pour améliorer le dispositif mis en place en 1952, mais vous pourriez permettre que le système soit beaucoup plus démocratique qu’il ne l’est aujourd’hui. Qu’en est-il du traitement égal entre les organisations syndicales ? Les deux organisations reconnues comme représentatives reçoivent 270 000 euros attribués par l'ACFCI à celles qui siègent en CPN. Il est évident qu'il est plus facile de faire campagne lorsque l'on dispose de subsides. Ajoutons encore que 55 % des représentants du personnel seraient sans appartenance syndicale. Il est certain que la méthode de la consolidation ne permettra pas d'apporter une juste image de la représentativité au sein des CCI.

En publiant, le 8 juin 2010, son communiqué intitulé « Élections des commissions paritaires locales : afin d'examiner le principe d'élections à date unique des CPL du réseau, il a été décidé de convoquer une CPN extraordinaire le 8 juillet prochain. », à l’évidence, l'AFCI ne doutait pas qu'elle obtiendrait gain de cause, assurée qu’elle était du soutien du Gouvernement. Madame la rapporteure, à quoi servons-nous donc ?

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. C’est purement réglementaire !

M. Daniel Paul. De plus, les modalités de ces élections seront fixées par une instance dont la légitimité est aujourd'hui contestée, en raison notamment des conditions de nomination de ses membres.

Les salariés des CCI peuvent dès lors s'attendre à ce que leur situation ne s'améliore pas. Au contraire, il y a de fortes chances qu'elle se dégrade au regard des orientations prises.

Par ailleurs, le débat sur l'introduction de la notion d'établissement public administratif est très intéressant. En déposant un amendement à ce sujet en première lecture, je ne pensais pas qu'il susciterait autant de discussions. M. Novelli l’a même présenté au Sénat comme un « amendement communiste ». C’est gravé dans le marbre puisque cela figure dans le procès-verbal des débats du Sénat.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Il faut bien rendre à César ce qui lui appartient ! (Sourires.)

M. Daniel Paul. Mais ce qui m'intéresse davantage, ce sont les raisons mises en avant pour justifier le refus de cet amendement : cela « corsèterait » les établissements consulaires ; cela constituerait un « obstacle psychologique » à l'investissement en temps de travail des chefs d'entreprise ; ce serait un « frein à la liberté d'entreprendre » ! Tous ceux qui travaillent au quotidien au service de l'intérêt général de notre pays – et ils sont nombreux – apprécieront ce florilège de clichés.

C'est bien parce que nous sommes conscients de l'importance des CCI…

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Et vous avez raison !

M. Daniel Paul. …que nous rejetons cette réforme.

Les CCI ont un rôle important à jouer en matière de développement économique local. Ce sont des acteurs de terrain et de proximité. C'est pourquoi nous nous opposons à la régionalisation telle qu’elle est prévue par ce texte. C'est pourquoi nous sommes attachés à ce que leur caractère d’établissement public administratif soit inscrit dans la loi : cela permet de reconnaître leur rôle de relais des politiques publiques et celui d'instrument d'aménagement du territoire.

Nous ne voulons pas que les établissements consulaires deviennent de simples cabinets de consulting auprès des quelques grosses entreprises qui siégeront au sein du conseil d'administration de la CCI de région.

Nous ne sommes pas dupes. Nous voyons bien que l'objectif, in fine, de cette réforme, est d'amener les chambres de commerce et d'industrie à abandonner progressivement leurs missions de service public au profit de missions purement commerciales, ainsi qu'en témoigne la possibilité offerte aux CCIT de recruter directement du personnel, mais uniquement de droit privé. Nul doute qu'à terme, la proportion d'agents de droit public et privé au sein des CCI évolue profondément leur faisant perdre leur caractère « administratif », voire peut-être celui d'établissement public.

Il s’agit, en fait, du fond de la politique gouvernementale : supprimer toute règle qui puisse constituer une entrave à la liberté d'entreprendre. Le terme « public » est présenté comme contraire à l'efficacité – « efficacité » devant être entendue au sens de rentabilité. Nous aurons évidemment l’occasion de revenir sur ces questions lors de la discussion des amendements.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ce sera avec plaisir !

M. Daniel Paul. Mais je ne doute pas, monsieur le secrétaire d’État, que vous ferez le nécessaire pour que tout se déroule parfaitement et que notre amendement soit finalement adopté.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ça, c’est moins sûr !

.....



M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Plus sérieusement, vous m’interrogez sur le caractère administratif des établissements publics que sont les chambres de commerce et d’industrie. Je n’ignore pas les conséquences que vous prêtez à ce terme, notamment en matière de représentativité syndicale : pour que celle-ci s’impose dans les chambres, le statut général de la fonction publique doit s’appliquer.

Le Sénat a estimé, comme l’a du reste précisé Mme Catherine Vautrin, que la précision du caractère administratif des chambres de commerce et d’industrie était superflue ; de plus, cela reviendrait à nier la part industrielle et commerciale de certaines de leurs missions, qui sont pourtant au cœur des services qu’elles rendent.

En outre, je vous rappelle que le statut général de la fonction publique ne s’applique pas aux agents des chambres de commerce, dont le statut relève de la fameuse commission paritaire nationale, créée par la loi de 1952 – la fameuse CPN 52 dont nous avons largement discuté en première lecture. Les modalités de représentation des agents résultent également de la loi de 1952. Aujourd’hui, 60 % de ces représentants en commission paritaire locale ne sont pas affiliés à une organisation syndicale : un alignement sur l’organisation du dialogue social dans la fonction publique aurait pour effet de les empêcher de se représenter.

M. Daniel Paul. Je sens que cette idée vous réjouit !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Je suis sûr que ce n’est pas ce que vous souhaitez ! Cela serait incompréhensible pour les agents des chambres qui leur font confiance.

J’ai tenu l’engagement que j’avais pris devant vous, monsieur Paul, en menant une concertation avec les organisations syndicales : elle a abouti à un amendement portant sur la représentativité, qui a été voté par le Sénat.

Vous avez aussi, à juste titre, souligné que les deux organisations syndicales actuellement représentées à la commission paritaire nationale disposent – tout à fait légitimement – de moyens pour exercer leurs missions.

M. Daniel Paul. Mais pas les autres !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Pas les autres, dites-vous : eh bien, je veux vous annoncer que je suis favorable à ce que toutes les organisations syndicales disposent de moyens suffisants pour se présenter aux prochaines élections des commissions paritaires. Cela me semble très naturel, et je l’avais du reste indiqué aux organisations syndicales lors de ce que vous avez qualifié un peu méchamment de « concertation de façade ». J’évoquerai cette question dans les prochaines semaines avec le président de l’ACFCI.

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